Qu’est-ce-qui t’a fait aimer le football ?
J’ai commencé à pratiquer le football à bas-âge. Déjà à 7 ans, j’accompagnais mon père au terrain pour ses matchs hebdomadaires du dimanche. Je peux dire que je suis née avec cette passion du football. Au début, mon père m’interdisais de jouer au football, parce qu’il voulait que je me concentre plus sur les études, mais je me cachais à chaque fois pour pratiquer ma passion. Pour que mon père me laisse jouer, jetais obligée d’avoir la meilleure note en classe, c’est pourquoi après chaque devoir, je me précipitais pour lui montrer ma copie. Par la suite, à 17 ans, j’ai joué pendant 3 ans au Cap des biches, mais c’est à cause de problèmes cardiaques que j’ai décidée d’arrêter. Et pour ne pas quitter le monde du football, j’ai été dirigeante aux Amazones de Grand-Yoff avant de rejoindre AFA par la suite, puis DSC.
Pourquoi le choix du journalisme après la carrière de footballeuse ?
Juste pour rester dans le milieu du sport, particulièrement du football. Mais en réalité c’est Mame Fatou Ndoye qui m’a poussée à choisir ce métier. Au début, je voulais poursuivre mes études et devenir architecte. Un jour, en collaboration avec Tout sur la Ligue 1, on a participé à une bande annonce, qui a connu franc succès. Mais puisque ça parle de football, je me suis davantage intéressée à la chose et avec le soutien de Mame Fatou, je me suis lancée.
Sachant que ce n’est pas facile pour une femme de percer dans ce milieu dominé par les hommes, quels ont été tes secrets ?
Tout le monde sait que ce n’est pas facile, mais il faut de la détermination, de l’engagement mais surtout une passion sans faille pour y arriver. Dans la vie, il faut tout faire avec abnégation. Des fois, même pour me rendre aux entrainements, j’avais peur, mais puisque c’est un choix de cœur, je n’avais pas le choix j’étais obligée d’y aller. Je devais vivre mon rêve à fond, avec amour et détermination, mais surtout avec la ferme volonté de réussir. Si aujourd’hui, j’ai percé dans le monde du football, c’est en grande partie grâce à cette volonté qui m’a toujours animée. Être une femme ne doit pas être un handicap. Déjà à l’école et dans toutes les équipes où j’ai évoluées, j’ai toujours été une leader. En classe, je suis tout le temps responsable et sur le terrain je porte le brassard de capitaine.
« A 12, 13 ans, il est plus facile de redresser les filles et de leur montrer la voie à suivre »
Il y’a une image négative portée à l’encontre de toutes les filles qui jouent au football au Sénégal. Comment tu perçois ces clichés ?
Je pense que dans ce domaine, on a raté le coche depuis le début. Cette image négative qui colle aux joueuses est une anomalie de ce football, mais c’est malheureusement une réalité qui est là. Dans le comportement, l’accoutrement et la tenue, il y a beaucoup d’efforts à faire. Moi par exemple, ce n’est pas pour stigmatiser qui que ce soit, mais je ne traine pas avec certaines. C’est un travail à la base et les encadreurs ont un rôle important à jouer dans ce domaine. A 12, 13 ans, il est plus facile de redresser les filles et de leur montrer la voie à suivre. Le football est certes un sport d’hommes, mais ça doit rester sur le terrain. En dehors, les joueuses doivent s’habiller et se comporter comme de vraies femmes. Nous sommes toutes appelées à devenir des mères de familles et gérer nos foyers donc certaines attitudes peuvent nuire cette réputation. Mais nous y travaillons, nous avons même mis en place une association pour combattre le style vestimentaire inadéquat, les comportements et toutes les images négatives de ce football. Ce n’est pas facile, mais nous espérons y arriver. Déjà DSC et l’USPA ont mis en place des petites catégories et les encadreurs veillent à cette tenue. Nous sommes très confiantes.
On parle des encadreurs, mais les parents aussi, quel est leur rôle dans ce domaine ?
Les parents sont les premiers formateurs. Cette éducation doit d’abord commencer dans la maison. Déjà une fille majeure qui sort de chez elle, avec une tête rasée, des cheveux teintés et des habits indécents au vue et au su de ses parents, comment, moi, entraineuse pourrais-je lui tordre le bras ? c’est impossible. La seule chose que je peux faire c’est d’essayer de la recadrer mais rien de plus. C’est pourquoi je pense qu’il faut commencer le travail avec les U12 et U13. A cet âge on peut leur inculquer certaines valeurs, mais à un âge plus avancé, c’est peine perdue.
Comment trouves-tu le niveau du football féminin au Sénégal ?
Il y’a certes des efforts mais je pense que le football féminin est en voie de développement, de manière générale en Afrique noire, puisque les pays du Maghreb sont largement en avance sur nous. C’est pourquoi j’insiste tout le temps sur la formation. Mais le principal facteur qui bloque le football des filles reste les horaires des matchs du championnat. Imaginez un peu que tous nos matchs soient joués les matins entre 8h et 10h . Des fois on est obligées de se bousculer avec les équipes navétanes pour jouer une compétition officielle. La solution c’est de professionnaliser ce championnat féminin, l’amateurisme ne permet pas d’avancer. Cette professionnalisation va permettre d’avoir des compétitions régulières comme la coupe du Sénégal et un championnat au niveau. La fédération ainsi que l’Etat doivent intervenir davantage. Récemment le Sénégal a fait une bonne campagne de CAN, gagné le tournoi UFOA/A et participé honorablement au tournoi qualificatif du mondial. Ce sont de bons résultats qu’on doit rentabiliser. De notre côté, on fait de notre mieux, mais les autorités doivent mettre la main à la patte pour faire décoller ce football.
Comment tu vois l’avenir du football féminin au Sénégal ?
Le football féminin a un bel avenir devant lui. Auparavant les subventions de la FIFA n’étaient pas directement réinvesties dans le football féminin, mais maintenant le choses commencent à changer et les bons résultats de l’équipe nationale, surtout lors de la CAN, vont davantage motiver les autorités à investir dans ce football. Cela passe aussi par une instauration obligatoire d’une équipe féminine dans tous les clubs, surtout chez ceux traditionnels et aussi des petites catégories, comme le font Casa Sports et Dakar Sacré-Cœur. Ce ne sera pas facile, mais peut-être dans 10 ans, le football féminin va se développer. Ça demande beaucoup de sacrifices et un travail de fond. Si tu regardes bien, on n’avait pas beaucoup d’expatriées, mais actuellement tout a changé. On a beaucoup de joueuses en Europe et ça aide énormément. C’est actuellement plus facile pour nos joueuses de voyager, et 7 nouvelles expatriées vont rejoindre la tanière prochainement. C’est pourquoi je suis optimiste pour l’avenir de notre football. Si on réussit à franchir ce cap, même si le niveau ne sera pas très très élevé, il sera au moins intermédiaire pour pouvoir attirer ne serait-ce que 100 personnes au stade par match. On y croit en tout cas.
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